Il était une fois...
Elle ne se souvient pas de grand-chose de son enfance. Mise à part des cris qui emplissaient la maison de façon régulière. Beaucoup trop régulière… Johanna aurait dû naître garçon pour plaire pleinement à son père. Malheureusement, rien qu’à la première échographie, il s’était détourné de cette grossesse. Sa déception avait été si grande, qu’il avait commencé à déserter le foyer pour son travail, s’acharnant deux fois plus à faire prospérer cette entreprise qui aurait dû lui revenir. Destin tout tracé, qu’elle avait fait crever dans l’œuf en naissant avec le mauvais sexe. Pauvre enfant qui n’avait rien demandé et qui portant le payerait toute sa vie.
Elle avait à peine cinq ans la première fois qu’elle apris conscience que son père ne l’aimait pas. Elle se souvient encore d’être rentrée à la maison, juste après l’école et de lui avoir fait le plus beau dessin qu’elle n’avait jamais réalisé pour la fête des pères. Elle n’avait attendu que cela toute la journée, toute la soirée… Il était rentré tard ce jour-là. Pauvre enfant qui s’était endormis avec son dessin dans les mains, l’attendant patiemment et pourtant avait fini par sombrer. Pourtant, elle avait bondi hors de son lit à l’instant même où elle avait entendu la porte d’entrée se refermer. Tel un chien qui vient faire la fête à son maître dès son retour du travail, elle avait couru dans les jambes de son père, en lui tendant son dessin, un large sourire aux lèvres, les yeux encore emplis de sommeil. « Qu’est-ce qu’elle fout là, elle devrait être au lit à cette heure-ci ! Colle-la-moi au lit. » Il lui était passé devant, sans lui jeter le moindre regard. Elle était restée penaude. Bras retombant le long de son petit corps. Elle n’avait pourtant pas lâché son dessin lorsque sa mère l’avait prise dans ses bras, le reconduisant jusqu’à son lit. « Maman ? » Avait-elle demandé d’une voix presque sourde alors qu’elle s’installait de nouveau sous les couettes encore chaudes. « Oui mon ange ? » La douce voix de sa mère lui avait donné un peu de baume au cœur. « Est-ce que papa m’aime ? » Parce qu’elle avait beau n’avoir que cinq ans. Elle était loin d’être stupide ! Johanna voyait bien dans son école que les autres papas faisaient des câlins à ses copains de classe. Alors qu’elle, avait souvent à peine le droit à un simple regard de la part du sien. Alors elle en venait à en douter. La fillette attendait la réponse de sa mère, regardant son dessin qu’elle venait placer sur la table de nuit avant de lever les yeux sur sa mère qui n’avait toujours pas répondu. « Bien sûr qu’il t’aime ma chérie, c’est juste qu’il travaille beaucoup et qu’il est fatigué. Ne t’en fais pas, on lui donnera ton dessin demain. » Johanna souris à sa mère, pourtant elle sentait que quelque chose n’allait pas. Elle aurait presque pu affirmer que sa voix avait vrillé. Elle lui avait souri et s’était simplement tourné, replongeant ainsi, dans un sommeil empli de rêves. Bien trop tôt, bien trop vite, pour entendre la dispute de ses parents une fois que sa mère avait refermé la porte de sa chambre. Une dispute qui la concernait-elle, et les doutes qu’elle pouvait avoir au sujet de son père.
Le temps n’arrangea pas les choses. Bien au contraire. Johanna développait un caractère assez fort et surtout très provocateur en grandissant et l’adolescence fut un vrai chaos dans cette maison. Un quartier pourtant tranquille, s’éveillait certains soirs simplement par les disputes d’un père et d’une fille. Une mère tentant de se mettre au milieu pour calmer le jeu. La jeune brune ne compte même plus le nombre de fois où elle est passée par la fenêtre de sa chambre pour fuguer, ou encore pour se réfugier sur le toit de la maison. Elle avait pourtant bien pensé à partir, loin… Mais pour aller où ? Ils étaient les seuls présents aux Etats-Unis, mis à part la famille du côté de son père, se trouvant tout de même à l’autre bout du pays. Celle du côté de sa mère, quant à elle, se trouvait en Angleterre. Malheureusement, elle n’avait pas un sou en poche, pour pouvoir se payer le billet d’avion. Et puis de toute façon elle le savait, il serait venu la récupérer et tout aurait été encore pire que ça ne l’étais déjà. À l’école, Johanna était loin d’être intéressée, que ce soit par les études, ou par les garçons. Elle avait des amis, toujours du sexe opposé, mais ils restaient toujours, que des amis. Ce qui la bottait-elle, s’était l’escalade. Elle avait alors commencé à faire des compétitions. Et même qu’elle n’était pas mauvaise la miss ! À tel point qu’elle remportait le championnat du monde lorsqu’elle eut dix-huit ans, en deux-mille-neuf. Elle voulait même faire de l’escalade son métier, seulement le destin en décida autrement, puisqu’une vilaine blessure au genou l’immobilisa et l’empêcha de grimper pendant une année entière. Elle dut alors se rabattre sur une autre voix professionnelle. C’est à ce moment-là que malgré toute la haine qu’ils pouvaient se porter, son père la faisait entrer dans un cabinet de comptable, pour qu’elle obtienne un travail dans les administrations, espérant qu’un jour, elle intégrait l’entreprise familiale comme il l’avait prévu initialement. Si le métier ne l’avait pas du tout emballé au départ, Johanna se découvrait pourtant un don pour les chiffres. Faisant d’elle, rapidement un atout pour l’entreprise où elle était.
C’est une fois son diplôme en poche, qu’elle faisait naître une nouvelle déception dans le cœur de son père. Elle avait décidé de partir, loin d’ici, de cette maison et de cette famille. Même si elle aimait sa mère, elle ne pouvait tenir plus longtemps auprès de ce père qu’elle haïssait tant ! Après quelques coups de téléphone, c’est finalement sa cousine Claire, qui l’avait contacté pour un emploi. Son premier emploi ! Pourtant pas dans une situation tout à fait commune, puisqu’elle allait être embauchée sur un parc d’attraction en reconstruction. Celui de Jurassic World ! Ce n’était pas rien et elle ne doutait pas qu’une telle ligne sur son CV allait l’aider dans sa vie professionnelle future. Et ce qui pour elle ne devait être qu’un emploi temporaire, le temps d’acquérir de l’expérience, finit par devenir un emploi à long terme. Une année ! Johanna avait passé une année entière à la comptabilité du parc, aidant sa cousine du mieux qu’elle pouvait, lui donnant les meilleurs conseils dont elle pouvait faire preuve de sa maigre expérience dans son métier. Seulement, sur cette île, elle n’y trouva pas qu’une expérience professionnelle. Mais bel et bien une expérience de vie ! Il y avait fait la connaissance d’un jeune homme, qui était rapidement devenu son meilleur ami. Étant arrivé tous les deux en même temps et surtout étant les deux plus jeunes sur cette île, ils s’étaient tout naturellement rapprocher l’un de l’autre. Avant que finalement, une histoire d’amour naisse entre eux. Une histoire d’une pourtant, bien courte durée, puisque le jeune homme se volatilisa du jour au lendemain, sans laisser la moindre nouvelle à personne. Cela avait été un choc pour Johanna. Elle quitta à son tour l’île sans prévenir personne, dans un besoin de le retrouver ! Mais il avait totalement disparu, et au bout de deux mois, elle était retournée au seul endroit où elle s’était senti réellement chez elle : Jurassic World. Elle y retrouva Claire, s’excusant auprès d’elle, mais elle y retrouva surtout Ivy. Cette petite blonde qui lui avait manqué bien plus qu’elle ne l’avait imaginé à la base. Cette séparation avait été mal vécue par les deux jeunes femmes, et avaient provoqué en elles, un quelque chose qui les avait définitivement rapproché ! Pendant son absence, un nouvel employer avait été embauché au bar. Sans vraiment trop y réfléchir, ou peut–être un peu trop justement… Elle avait tenté d’oublier sa peine d’amour dans ses bras. En vain… Alors quand Claire s’était simplement et salement faite viré du parc, elles étaient parties ensemble d’un commun accord.
Les deux années qui avaient suivi, ont littéralement été les deux plus belles années dans la vie de Johanna. À leur retour sur le contient les deux jeunes femmes n’ont pas eu à cœur de se séparer. Toutes les deux animés par la même soif de découvrir le monde, elles se sont lancées dans l’aménagement d’un vieux van, aidé par Owen. Elles avaient mis deux mois et demi pour le mettre à leur image, avant d’être sûre de pouvoir partir avec. Johanna s’était rapproché d’Owen, le compagnon de Claire et il lui avait appris quelques trucs en mécanique pour qu’elles puissent se débrouiller seules pendant leur road trip dans les Etats-Unis. Il lui a aussi appris à conduire une moto, mais c’est un détail qu’ils n’ont jamais dit à Claire. Elles ont vécu simplement, pendant deux ans. Vivant de petits boulot ici et là pour subvenir à leur besoin de base que ce soit en nourriture ou en eau. Pourvoir parfois s’offrir quelques luxes comme des soirées bien arrosées à faire la fête ! Johanna a eu l’impression de vivre son adolescence à retardement. Elle avait profité également de cette nouvelle vie pour entamer une reconversion, car elles avait au plus profond d'elle qu'elle ne voulait plus être seulement une comptable. Ses années auprès des dinosaures lui avaient donné le goût de l'aventure et surtout le besoin viscéral de se rendre utile. Elle avait donc suivi des formations pour apprendre à tenir et à se servir d'armes dans les règles de l'art bien qu'elle le savait déjà, mais pas de façon très réglementaire, ni officiel. Mais aussi les règles de sécurité et tout ce qu'il fallait savoir pour mettre les autres et se mettre en sécurité. Bien que cela avait plus ressemblé à une validation des acquis qu'autres choses. Mais malgré ce bien-être et cette insouciance de leurs années folles, il manquait quelque chose. Quelque chose qui prit tout son sens le jour où Johanna appris que Claire comptait retourner sur l’île, l’île voisine, pour les dinosaures ! Et sans même avoir à en discuter, les deux jeunes femmes étaient tombées d’accord. Elles feraient partie du projet et leurs mains seraient là pour aider sur la réserve, pour aider leur famille ! Ivy ayant émis le souhait de revoir ses parents avant de partir de nouveau pour l'île, Johanna en avait profité pour retourner elle aussi voir sa mère. Bien qu'elle redoutait plus que tout la rencontre avec son paternel, leur rapport n'ayant jamais changé durant toutes ses années. Comment l'auraient-ils pu ? Puisqu'ils n'avaient plus échangé depuis son départ des années plus tôt. Seulement la réalité de ses retrouvailles avec sa mère fut toute autre que celle qu'elle s'était imaginée. Découvrant que celle-ci avait succombé quelques semaines plus tôt d'un cancer. Son père n'avait même pas pris la peine de la prévenir. Elle n'avait pas pu venir dire au revoir à sa mère. La peine fut grande, dévastatrice... Insupportable ! Et lorsque le virus était apparu, elle n'avait même pas regardé en arrière lorsqu'elle avait laissé son père contaminé seul face à son sort. C'était sûrement dur d'un point de vue extérieur, peut-être même inhumain. Mais à ses yeux à elle, il ne méritait rien de plus que finir sa vie seule. Le périple de Johanna avait alors commencé, une quête pour la survie de l'humanité. Dans cette nouvelle aventure, elle sauva littéralement le cul d'un homme qu'elle avait trouvé littéralement en difficulté. C'est ainsi qu'ils étaient restés ensemble parcourant des kilomètres pour gagner le bateau salvateur qui les conduirait sur l'île de Claire. Tout ce temps, elle s'était inquiétée pour Ivy,qu'elle n'avait pas pu joindre depuis trop longtemps ... Johanna espérait simplement la retrouver sur l'île et qu'elle y arriverait sans encombre et surtout, sans y perdre la vie !