Resurgence ft. Kate Alba

Pour l’heure cependant, d’autres choses le préoccupait, occupait sa conscience. Sans trop y faire attention, Markus avait scruté la foule d’un regard distrait, observant les comportements bien plus que les visages, mais après coup un détail dans le manifeste avait retenu son attention, et son cœur avait eu un raté lorsque ses yeux étaient tombés sur un nom qu’il connaissait et qu’il n’aurait jamais cru retrouver ici. Parmi toutes les personnes que Donovan s’imaginait ne jamais revoir, Kate Alba en faisait partie … comment aurait-il pu en être autrement ? Malgré le rapprochement qu’ils avaient su mettre en place par le passé, Markus n’avait pas revu la médecin depuis l’incident avec l’Indominus Rex et sans doute cette aventure avait-elle mis un terme à sa volonté de travailler de nouveau avec les dinosaures. Comment la blâmer ? Il fallait être idiot comme lui pour faire deux fois les mêmes erreurs et sans doute plus sage que lui, Kate Alba n’avait jamais cherché à retourner auprès d’InGen, grand bien lui fasse ! De son côté, Donovan n’avait jamais cherché à la recontacter … pourquoi ? L’ancien militaire n’en était pas tout à fait sûr, mais une part de lui avait toujours craint, par sa présence, de faire surgir de sa mémoire des souvenirs de ce maudit jour où, plus d’une fois, ils avaient failli perdre la vie. Si Donovan n’était pas étranger à ce sentiment, il savait (croyait) Kate moins chanceuse que lui et par égard, l’ancien militaire avait accepté l’idée de ne jamais la revoir, embrassant un vieil adage selon lequel il fallait laisser venir ce qui venait et partir ce qui partait. Est-ce que c’était idiot ? Sans doute oui, mais stoïcien dans l’âme Markus l’avait accepté, conscient que certaines vies étaient faites pour se croiser mais pas pour se rejoindre.

Avait-il eu tort ? De toute évidence. Coup du sort, le destin avait fait le choix de les réunir de nouveau, bravant tous ses pronostics. Du regard, durant le discours de Claire Dearing Markus avait cherché la médecin parmi la foule et aiguisés, ses yeux avaient fini par la trouver, perdue dans un semblant de pensées. Lorsque le discours s’acheva et que la foule se remit à bouger, Donovan entreprit de la rejoindre, non sans hésiter un instant … lui dévoiler sa présence sur l’île, maintenant, était-il une bonne idée ? La médecin n’avait pas réagi lorsque Dearing avait brièvement présenté le chef de la sécurité (avait-elle manqué le rapprochement ? N’avait-elle seulement pas écouté ? Markus n’en savait rien) aussi cela serait-il une surprise pour elle. Bonne ou mauvaise ? Markus n’en était pas certain, mais au vu des circonstances l’ancien militaire fit finalement le choix de croire qu’au cœur de toutes ces angoissantes nouveautés, la médecin serait surement heureuse de retrouver un visage familier. Traversant la foule, Markus l’atteignit plus rapidement qu’il ne l’aurait cru, et il n’était qu’à quelques mètres d’elle lorsqu’il l’interpella.

« — Docteur Alba ? » appela-t-il. L’instant d’après, il était à son niveau « Kate »

Son prénom résonna dans son esprit plus longtemps qu’il ne l’aurait cru. Pendant un moment, Markus demeura silencieux, sans trop savoir quoi dire. Il l’observa, peut-être un peu trop longuement … l’ancien militaire avait connu sur son visage des mines plus joyeuses et le chef de la sécurité mit ça sur le dos des événements. Elle était médecin après tout, sans doute avait-elle été de ceux qui avaient combattu le virus sur le front.

« — Bienvenue à Isla Sorna » déclara-t-il finalement, sans savoir quoi dire d’autre.

Non, Markus Donovan n’avait pas trouvé mieux. L’ancien militaire demeurait prudent : cela faisait presque 10 ans qu’ils ne s’étaient pas vu et l’homme ne savait rien du vécu de son ancienne collègue depuis leur dernière entrevu. Huit ans exactement les séparait de ce jour infernal où ils s’étaient vu pour la dernière fois, 8 ans durant lesquels bien des choses avaient pu se passer.

Markus mit quelques secondes à comprendre ce qui se passait, et plus encore à l’accepter. Loin de s’en offusquer, Donovan peinait simplement à en comprendre tout le sens … Markus ne se souvenait pas d’avoir eu ce genre de place dans le cœur de Kate Alba et tandis qu’il refermait enfin ses bras autour d’elle, une part de lui ne put s’empêcher de se demander ce qui lui valait un tel élan d’affection, car le simple fait de le revoir ne justifiait pas son action. S’ils s’étaient indéniablement rapprochés au fil des ans, leur relation avait toujours été strictement professionnelle ou presque. Alors quoi ? Sa vie sur le continent avait-elle été si terrible que cela ? Loin de minimiser l’horreur qu’avait vécu les réfugiés, Markus se contenta d’accueillir cette peine qui semblait aujourd’hui la submerger.  

« — Ça va aller » lui glissa-t-il, tandis que leur étreinte s’éternisait.

La scène devait paraître étrange aux yeux de ceux qui n’avaient jamais connu que le très protocolaire Markus. La vérité ? C’était étrange pour lui aussi, et il n’était pas tout à fait certain de savoir encore si c’était dans le bon sens ou non. Débattre avec lui-même, cependant, n’était pas dans ses priorités. Pouvait-il se contenter d’être là pour elle et réfléchir plus tard ? Cela ne lui paraissait pas impossible.

Lorsqu’ils se séparèrent finalement, Markus posa une main à la base de son cou, chercha des réponses dans son regard résigné. Parce que l’ancien militaire n’avait pas oublié ce qu’elle lui avait jadis raconté, le regard de Donovan se porta un instant autour d’eux à la recherche de celle qui devait être sa fille. Elle avait une fille, n’est-ce pas ? Oui, Markus s’en souvenait … s’il n’avait jamais eu l’occasion de la rencontrer, Kate n’avait pas manqué de la mentionner quelques fois, avec une tendresse qui aurait rendu mou le cœur de n’importe qui. Pendant un long moment, Markus écuma les environs … s’était-elle éloignée pour retrouver quelqu’un d’autre ? Il chercha encore et encore, et tandis que les secondes s’écoulaient, Donovan pouvait sentir l’étau se resserrer sur son cœur. Personne n’était là, personne.

Lorsque son esprit se heurta à ce que son cœur avait déjà compris depuis longtemps, l’attention de Markus se reporta sur la médecin, un regard nouveau dans le fond de ses yeux. Il venait de comprendre et cela se voyait … si Donovan était encore loin de tout savoir, cette vérité, nouvellement dévoilée à sa manière, suffisait à justifier, enfin, le comportement si atypique de l’ancienne employée de Masrani. Markus le comprenait enfin : cela n’avait rien eu de personnel. Kate en avait juste eu besoin, et unique visage familier, Markus s’était trouvé être le seul digne à son sens de recevoir une part de cette peine trop, bien trop lourde à porter. Markus la regarda longtemps, acceptant sans ciller une part de son fardeau, de ce secret qu’il s’imaginait aisément encore intact.

« — Ça va aller » répéta-t-il, cette fois comme une promesse.

Markus n’avait aucune idée de ce qui s’était passé, mais l’ancien militaire était certain d’une chose : si tel était son désir, Markus Donovan serait un homme sur qui elle pourrait compter. Il n’était pas parfait, mais sa ténacité faisait de lui quelqu’un de sûr, pour peu que la chose entre dans ses convictions. Permettre à Kate Alba de dépasser ses tragédies en faisait-il partie ? Absolument. Markus le choisissait en tout état de cause. Parce que, déjà, Markus avait cette volonté d’aller de l’avant, le chef de la sécurité avisa le sac que la médecin avait laisser par terre. Il le désigna d’un signe de tête.

« — Laisse-moi t’aider » proposa-t-il.

Aux dernières nouvelles, ils se vouvoyaient encore … cela avait-il vraiment de l’importance aujourd’hui ? Pas vraiment. Loin de ne plus vouloir entendre parler du passé tumultueux de la traumatologue, Markus avait cependant fait le choix de ne pas poser de questions. Il savait que Kate ne manquerait pas de lui en parler d’elle-même le jour où elle se sentirait prête, quand bien même cette période devait-elle durer des mois et des années. Par radio, le chef de la sécurité indiqua à ses hommes qu’il quittait la zone un instant, avant de se focaliser sur Kate. Le sac de la médecin à la main, d’un signe de tête Donovan l’invita à le suivre à l’écart de la foule.

« — Tu sais quel rôle va t’être assigné ici ? » lui demanda Markus, tandis qu’ils s’éloignaient.

Markus savait bien qu’elle était médecin et même plus que cela, mais peut-être Kate avait-elle fait le choix de tirer un trait là-dessus. Après ce qu’elle avait certainement vécu sur le continent, peut-être avait-elle le désir de tourner la page, de passer à autre chose. Les nouveaux départs étaient l’occasion de changer d’horizon … après toutes ces années, elle en aurait eu le droit, largement le droit.

Lorsque Markus lui demanda quel rôle serait le sien au sein de la Réserve, Kate lui répondit sans réfléchir, sans hésiter. Comme une évidence pour elle, sa vocation n’avait pas de fin, pas de limite. Il y avait dans les habitudes un confort apaisant, parfois salutaire, qui permettait d’avancer même lorsque le chemin paraissait obscur. Bien que pour des raisons différentes, tout comme lui Kate avait suivi cette voie, cette voie emplis d’évidences, mais que la médecin aurait pu ne pas choisir.

« — Peut-être que tu aurais aimé faire autre chose, tourner la page … tu en aurais eu le droit, après toutes ces années » fit remarquer Markus. Tout le monde avait le droit de raccrocher un jour, non ? Surtout après l’apocalypse sanitaire qu’elle avait dû essuyer. Un sourire s’esquissa sur les lèvres de l’ancien militaire lorsque la médecin mentionna le bras en moins « J’espère bien que nous n’en arriverons pas jusque-là ici » affirma Donovan.

Non, Markus espérait bien que la Réserve ne finirait pas comme le tristement célèbre parc à thème de Jurassic World. Bien avant l’incident avec l’Indominus Rex, des accidents étaient arrivés à Isla Nublar et Kate avait dû en gérer quelques-uns. Les pires étaient survenus sur Isla Sorna, lorsque d’aventure Masrani se mettait en tête d’y récupérer quelques dinosaures … là encore, Kate avait été là pour ramasser les pots cassés, ou plutôt les os brisés. La mort elle-même n’avait jamais été loin, comment pouvait-il en être autrement en présence des dinosaures ? Ici, au sein de la Réserve, Markus espérait que les choses seraient différentes … aux vues des circonstances, Donovan n’aspirait qu’à une chose : permettre aux hommes et aux dinosaures de vivre chacun de leurs côtés, avec le moins d’interactions possible ; c’était là, à son sens, la meilleure solution pour éviter tout drame. Hélas, il savait aussi qu’un malheur finirait forcément par arriver, car l’être humain était connu pour son mépris des interdits et les survivants venus du continent ne dérogeaient pas à la règle. Oui, le sang froid de Kate avait tout intérêt à avoir survécu à ces huit dernières années, car elle risquait bien d’en avoir besoin.

Tandis qu’ils s’éloignaient toujours plus de la foule et du quai de débarquement, le sujet se porta finalement vers lui. Les choses pour lui non plus n’avaient pas tellement changé, comme si le destin, dans sa paresse, s’était contenter de ressortir le même pattern.  Lui, cuisinier ?

« — J’aurais été capable d’empoisonner la Réserve à moi tout seul » répondit l’ancien militaire, un sourire sur le coin des lèvres. L’idée continua de le faire sourire un moment « J’étais déjà ici bien avant que les choses ne dérapent sur le continent. Claire Dearing m’a fait venir il y a presque un an maintenant, j’étais censé surveiller les dinosaures et faire en sorte que personne ne les atteigne … et puis, le plan a changé » raconta Markus. Oui, le plan avait changé et c’était peu de le dire « Je suppose que rien n’arrive jamais vraiment comme on le prévoit » ajouta-t-il finalement.

Lorsque Markus Donovan avait accepté de rejoindre Claire Dearing dans son projet, l’ancien militaire n’aurait jamais imaginé se retrouver finalement à la tête de la sécurité de l’île, ni de se retrouver responsable de ce qui s’apparentait être le restant de l’humanité. Qui aurait pu le prévoir ? Personne, absolument personne. Leurs pas les conduisirent finalement aux abords d’une vieille Jeep américaine, que Markus désigna d’un signe de main.


« — On va prendre la Jeep » déclara-t-il « Les autres vont être rapatriés au campement par dix, cela risque d’être long » expliqua-t-il.

La Réserve, initialement pensée pour une poignée d’individus seulement, ne croulait pas sous les équipements. Si la priorité était pour l’instant centrée sur les survivants, Markus avait bon espoir de récupérer, à terme, des véhicules venus du reste du monde … mais c’était là une autre histoire, car qui savait ce qui pouvait arriver d’ici là ?

La Jeep démarra sans encombres. L’engin ne brillait pas par son modernisme, mais il faisait le job et c’était là tout ce qu’on lui demandait. Enclenchant la première, Donovan laissa le port derrière eux. Déjà, les premiers hangars se dessinaient à l’horizon.

« — Le campement se trouve au nord de l’île. Il est naturellement protégé par les montagnes d’un côté et par la baie de l’autre, et la Réserve est délimitée par un mur d’enceinte que les civils n’ont pas le droit de traverser. La clôture empêche les dinosaures d’entrer, mais tout le reste de l’île est peuplé … nous avons commencé à les recenser, mais il en reste encore beaucoup » expliqua Markus « Les carnivores qui vivaient au centre de l’île ont été déplacés à l’ouest, de l’autre côté de la chaîne de montagnes. C’est la zone la plus dangereuse, suivit de près par l’est de l’île. Le sud est principalement peuplé d’herbivores … ils sont plutôt paisibles, pour peu qu’on ne vienne pas les emmerder » raconta-t-il.

Ils arrivèrent aux abords du centre médical, et Markus désigna le bâtiment d’un signe de tête.

« — Le pôle médical se trouve ici, vous êtes à côté du centre des soigneurs » déclara l’ancien militaire « C’est un centre de soin, à la fois pour les hommes et les dinosaures … en théorie du moins. Au vu des circonstances, je ne suis pas certain que le soin des écailleux soit encore d’actualité » ajouta Markus, tandis qu’ils dépassaient les bâtiments.

Bien des choses restaient encore floues pour lui. Donovan avait hésité à s’arrêter au centre médical, car sans doute Kate aurait-elle eu l’envie de découvrir son futur lieu de travail … mais il savait aussi que la fatigue devait la gagner et qu’après ce long voyage, se poser quelque part était sans doute sa priorité. Markus savait que la médecin ne manquerait pas de découvrir tout ça le moment venu. Sans ralentir donc, ils atteignirent bientôt la porte nord qui donnait accès au campement, restée ouverte pour l’occasion. De part et d’autre de l’ouverture, une épaisse clôture de plusieurs mètres séparait la zone.

La Jeep s’arrêta finalement aux pieds des logements, où attendait une équipe en charge d’accueillir les réfugiés. Un peu surpris de voir Markus, ils l’observèrent un moment avait de comprendre que rien de grave n’était arrivé. Un peu partout, comme des champignons se trouvait des bungalows, certains à même le sol, d’autres un peu plus en hauteur, sur les pans de la falaise ou encore dans les arbres. L’ancien militaire coupa le contact de la voiture, se tourna vers la médecin.

« — On a dû te donner une carte avec un numéro de bungalow » déclara Donovan.

Markus ignorait encore si Kate serait seule dans le sien ou non. Avec le temps, il savait que toutes les places finiraient par se remplir … s’il avait encore, pour sa part, le privilège d’être seul dans le sien (après tout, c’était le sien depuis presque un an maintenant), les nouveaux arrivants n’auraient sans doute pas cette félicité, le nombre toujours plus important de nouvelles têtes n’y étant pas pour rien. Visible et prévisible, les insulaires d’Isla Sorna allaient devoir apprendre à se passer de bien des choses, parmi elles le confort en bien des points.

There is no start afresh, 'cause we never start from nothing :
there are always regrets and memories to keep us company

L’espace d’un instant, Kate se questionna quant à la présence de certains dinosaures sur l’île. Son interrogation se voulu suggérée et énoncée à demi-mots, mais terre à terre Markus ne lui laissa pas l’occasion de douter. Un mensonge aurait pu être rassurant, hélas Donovan était de ces hommes transparents, parfois un peu trop.

« — Est-ce qu’il y a des dinosaures génétiquement modifiés susceptibles de venir détruire le dernier bastion de l’humanité ? » questionna Markus son un ton qui se voulait léger malgré le sujet et les circonstances. Si l’ancien militaire avait laissé un sourire s’esquisser sur son visage, il disparut finalement bien vite « J’aimerai pouvoir te certifier que non, mais je ne te mentirai pas. Nous n’avons pas encore recensé toutes les créatures qui se trouvent ici et au vue des circonstances, cela n’est désormais plus la priorité » poursuivit Donovan « Vous êtes en sécurité dans l’enceinte du campement, c’est tout ce qui compte. C’est moi qui gère ça et fait moi confiance pour tirer sur n’importe quelle créature qui s’approchera trop près de la clôture, que cela plaise à Dearing ou non » assura l’ancien militaire.

Si les choses en arrivaient à là, la directrice de la Réserve le lui reprocherait-elle vraiment ? Donovan n’en savait rien et la réponse à cette question ne changerait pas son choix. La préservation des dinosaures n’avait jamais fait partie de son travail et Markus savait bien que l’ancienne directrice de Jurassic World l’avait embauché pour son détachement à leur égard, entre bien d’autres choses. Donovan était là pour faire ce que les deux grosses têtes de la DPG pouvaient se répugner à faire, garde-fou vivant de ce projet qui n’avait plus grand-chose à voir avec celui d’origine.

Lorsque la médecin le remercia de l’accompagner, Markus s’empressa de lui répondre.

« — C’est normal. Débarquer dans un endroit inconnu peut être assez anxiogène et après ce que vous avez traversé sur le continent, je n’allais pas te laisser affronter cette dernière épreuve toute seule … et puis, pour ce que cela vaut, je suis heureux de te savoir ici. Tu aurais fait la même chose pour moi » assura Donovan.

Sur ce dernier point, Markus en était certain : si les rôles avaient été inversés, Kate n’aurait pas manqué de l’accueillir de la même manière, du moins voulait-il le croire. Les mots de l’ancien militaire étaient sincères : Donovan était heureux de la savoir ici et surtout en vie, désormais à l’abri du virus qui avait décimé la planète. Si d’autres difficultés l’attendaient bien évidemment ici, ces dernières étaient bien moindres comparées à celle dont elle avait dû être victime. Par la suite, Kate lui tendit la carte qu’elle avait reçu sur le bateau, non sans espérer à haute voix n’être pas trop loin du sien. A l’idée de voir le souhait de la médecin exaucé bien plus que par l’information elle-même, un sourire s’esquissa sur le coin de ses lèvres lorsque Markus avisa le numéro.

« — Tu es en haut, au 47. Je suis au 49. C’est en bout d’allée, tu ne seras pas trop dérangée … ces bungalows surplombent le campement, on y voit bien ce qui s’y passe » déclara l’ancien militaire.  

C’était bien pour cela qu’à l’époque, Markus Donovan avait choisi cet emplacement et pas un autre. En plus d’être épargné par le passage des autres habitants de la Réserve, la hauteur offrait une vue dégagée sur l’ensemble de la zone. Donovan pouvait ainsi voir les choses venir de loin, un bon point pour le chef de la sécurité. Sans attendre, l’ancien militaire entama l’ascension en direction du bungalow attribué à la médecin, qui le questionna finalement sur les règles qui régissaient cet endroit.

« — Survivre ? » répondit Markus, à mi-chemin entre l’ordre et la proposition. C’était une évidence, un point sur lequel il ne comptait offrir aucun répit, et c’était d’autant plus valable pour Kate Alba, qui n’était pas personne pour lui « Le port d'arme est interdit sur l’île. Seuls ceux de la sécurité sont autorisés à en avoir une, et encore, pas tous » ajouta Donovan. Markus avait mis un point d’honneur à ne pas armer n’importe qui … et puis, de toute manières, ils n’avaient pas tellement eu le choix : les armes étaient en nombre limitées dans la Réserve, alors autant les donner à ceux qui savaient s’en servir « Claire Dearing ne veut pas que l’on tire sur les dinosaures, pas à balles réelles du moins » poursuivit-il, bien que cela ne la concernait pas tellement.

Ce dernier point était sujet à controverses et Markus avait déjà annoncé son point de vue sur la question un peu plus tôt. Ce n’était un secret pour personne et s’il se gardait bien de se languir de cet instant, Markus s’y tenait toujours préparé.

« — Pour le reste, je ne sais pas comment les choses vont évoluer ici. Peut-être que d’autres règles verront le jour avec le temps » affirma-t-il, honnête comme toujours.

Qui pouvait le prédire ? Personne. Sans doute le temps et les évènements mettraient-ils en lumière les points qu’ils avaient négligés ou bien sous-estimés. L’apparition de nouveaux problèmes n’étaient pas non plus impossible et l’homme d’action qu’il était le savait bien. Combien de fois ses missions s’étaient-elles déroulée comme prévu ? Aucune fois, absolument aucune. Lorsqu’ils arrivèrent enfin à destination, Markus s’arrêta devant une porte en bout de ligne ou presque. Ornée d’un 47, une serrure à code mécanique en verrouillait l’entrée.

« — Le tiens est ici, le mien est là-bas » déclara Markus en désignant successivement le bungalow devant lequel il s’était arrêté, puis un autre un peu plus loin, le dernier de l’allée. Etrange hasard ou signe du destin, un seul petit pavillon les séparait « Le code de la porte se trouve au dos de la carte » poursuivit-il.

L’espace d’un instant, un court silence s’installa. Les explications de l’ancien militaire tendaient à leur fin et si Markus aurait pris plaisir à passer plus de temps avec Kate Alba, il savait aussi que tout n’était pas terminé au port. Un bateau entier de réfugiés s’apprêtait à rejoindre le centre de l’île et quand bien même avait-il des hommes sur place, Donovan ne pouvait pas laisser cela arriver sans sa surveillance.

« — Si tu as besoin de quoi que ce soit, n’hésite pas » déclara-t-il. Est-ce que son cœur se serrait à l’idée de la laisser toute seule ? Peut-être un peu « Tu n’es pas seule ici » assura-t-il finalement.

Non, Kate Alba n’était pas seule sur cette île, ne l’était plus. Elle était peut-être arrivée seule et s’était peut-être imaginée vivre l’aventure seule, mais le destin avait déjoué ses pronostics. Ne le faisait-il pas toujours ?