Unwanted Changes ft. Mackenzie Collins

Bon sang. C’était une sale journée. Depuis tôt ce matin, Mackenzie avait eu la dérangeante et désagréable impression d’avoir deux mains gauches. Tout semblait lui glisser entre les doigts et sa patience ne faisait que diminuer au fur et à mesure de la matinée. Il sentait déjà que ça n’allait pas s’arranger ; il avait aperçu quelques personnes chargées d’assurer la sécurité s’affairer autour de certains de ses collègues. Ils venaient jeter des coups d’œil au-dessus des épaules de ces derniers comme pour s’assurer que le travail était en ordre. Mackenzie détestait que l’on donne de ses capacités. S’il avait été retenu dans la grande liste des candidats d’Isla Sorna, ce n’était pas un simple coup du sort.

Tout en observant d’un regard en coin ce qu’il se passait autour de lui, il finalisa sa tâche. Des fléchettes hypodermiques. Il fallait qu’elles soient assez puissantes pour pouvoir mettre hors de portée de nuire un dinosaure si jamais un drame venait à se produire. On ne pouvait jamais être trop sûr, les dégâts matériels et surtout humains seraient catastrophiques. Ainsi, pour s’assurer plus de puissance, il était important de concentrer la solution au maximum. Il attrapa alors la mallette destinée à contenir les fléchettes et les plaça avec soin à l’intérieur. Normalement, si tout devait se passer dans l’ordre, une personne chargée de la sécurité devrait se présenter dans les minutes suivantes. Celle-ci ne devrait pas rester longtemps ; juste le temps de récupérer le précieux chargement. Mackenzie espérait que cela se passe bien, et vite. Il avait d’autres choses à faire que de jouer les gardiens de cargaison.

Des pas et bruits de voix résonnèrent derrière la porte entrebâillée et un homme brun, semblant être âgé plus ou moins de la quarantaine fit son apparition. Pas de doute, il était de la sécurité. Il en était même le chef ; Mackenzie l’avait déjà aperçu s’entretenir avec ses collègues. Cependant, il n’avait jamais eu l’occasion d’échanger avec lui personnellement. Il le salua d’un bref signe de tête mais l’homme ne sembla pas y porter intérêt, ou du moins, le voir. Son attention semblait rivée sur le contenant.

« — Les fléchettes sont différentes. Vous êtes certain que ce sont les bonnes ? »

Le scientifique releva la tête d’un air offusqué. La façon de parler de son aîné indiquait clairement qu’il doutait de la marchandise. L’ego de Mackenzie en prit un coup. S’il y avait bien une chose qu’il avait grand mal à supporter, c’était sans doute la critique de son travail. Encore plus lorsqu’elle provenait d’une personne étrangère à sa profession.

- Vous insinuez que je ne sais pas faire ce qu’on me demande correctement ? répondit-il du tac au tac.

Sans plus de cérémonie, il ferma la mallette d’un coup sec et la poussa sur la table en direction du chargé de la sécurité de l’île.

- Bien sûr que ce sont les bonnes, il suffit de connaître son métier ajouta-t-il d’un air irrité.

Les yeux rivés sur la table, peut-être pour ne pas croiser ceux du chef de la sécurité qui commençait vraisemblablement à perdre son sang-froid, Mackenzie serrait les poings. Cette entrevue n’était clairement pas comme celle qu’il imaginait. Prévue à l’origine ne durer que quelques secondes et se conclure sur une rapide poignée de main, elle virait en leçon de morale d’un aîné au plus jeune. Le scientifique n’avait jamais manqué de respect à quiconque ; peut-être manquait-il encore simplement de maturité. Mais l’éducation qu’il avait reçue lui avait appris à rester silencieux dans les moments les plus délicats. De plus, lorsque la situation pouvait lui apporter des problèmes. Il ne voulait pas se retrouver dans une position inconfortable devant la hiérarchie ou pire, se faire mettre à la porte. Bien qu’il ne doutait pas de ses compétences et de ce qu’elles pouvaient apporter à la réserve, il gardait néanmoins la tête sur les épaules. Ou du moins, le tenait quand il en était possible.

« — Je vais prendre votre ton pour un excès de confiance en vous plutôt qu’autre chose »

Le brun ne manqua pas de laisser échapper discrètement un léger pouffement de rire agacé. Il avait déjà entendu cette rengaine de nombreuses fois. On avait souvent réprimandé cette facette de sa personnalité qui pouvait tout à fait se transformer en poison pour quiconque n’y faisait pas attention. Mais Mackenzie demeurait peu attaché au jugement des autres. A part quand on venait lui avouer ses torts ou toucher au fruit de ses compétences dans lesquelles il avait  confiance entière. Et c’était la deuxième option que le quadragénaire venait de titiller. Et ça, Mackenzie n’appréciait pas. Vraiment pas.

« — Vous voyez, elles ne sont pas pareilles. Je suis militaire, pas scientifique, mais cela ne veut pas dire que je n’ai pas le sens du détail. Vous vous en fichez peut-être, vous qui êtes à l’abri derrière les étagères de votre laboratoire, mais ce n’est pas mon cas. Une erreur dans les doses, et se sont mes hommes qui en pâtissent, ou pire : la colonie toute entière. Si un carnivore décide d’attaquer, je veux être certain que mes armes auront l’effet escompter … alors oui, je vous le demande : êtes-vous certain qu’il s’agit de la même chose ? »

Cette fois ci, le scientifique ne put s’abstenir. La colère commençait à naître au fond de lui sans qu’il ne s’en aperçoive totalement. Remettre en doute ses compétences et l’accuser de pouvoir être un danger pour l’île ne faisaient qu’alimenter la tension qui était déjà bien présente, malgré la cordiale discussion. Sans plus réfléchir, Mackenzie se saisit d’une des fléchettes que le militaire venait de sortir de son arme et la posa à côté d’une provenant de la mallette afin de les comparer.

- Encore une fois, oui j’en suis certain, ce sont les mêmes. Vous saurez maintenant que la taille ne change pas le contenu. Le flacon importe peu tant qu'on y retrouve la même chose. C'est le principe même de la science au fond. Il ajouta cette dernière phrase d’un ton mêlé à un regard plein de condescendance. Après avoir marqué une petite pause, il reprit d’un ton plus neutre : quel intérêt aurais-je à détruire la réserve ou votre équipe ?

Mackenzie se sentit insolent après coup, il ne le regretta cependant pas. Têtu et surtout blessé dans son ego, il ne voulait pas laisser une chance au militaire de pouvoir asseoir son autorité bien qu’il soit d’un grade supérieur à celui du jeune homme. Selon lui, ce n’était pas une raison valable de pouvoir contester son travail.

« — J’ose espérer que vous vous en étiez rendu compte, dans le cas contraire nous n’avons pas la même définition de "connaître son métier". Vous auriez dû m’en informer, cela nous aurait éviter ce … désagrément. Faites-le la prochaine fois »

Les dernières paroles du militaire sonnèrent comme une désagréable sensation aux oreilles de Mackenzie. Il avait l’impression que la mauvaise personne lui donnait les mauvais ordres. Il reprit la discussion, en prenant cette fois un air de mise en garde.

- Je vous avais répondu et croyez moi, ça aurait dû largement vous suffire.

Au moins, le militaire n’avait pas d’avis négatif à propos de Mackenzie. Du moins, sur ses intentions. Le brun était bien conscient des risques qu’entraînaient les manipulations génétiques ; on était loin des travaux pratiques menés à l’université, lorsqu’il n’était encore qu’un néophyte en la matière. Il savait que les dinosaures devaient rester à leur place, les incidents arrivés dans le passé en constituaient une preuve plus qu’irréfutable.
Cependant, Mackenzie dut se rendre à l’évidence. Aussi désagréable soit cette sensation, il devait admettre que le quadragénaire avait raison. Un oubli, le plus infime soit-il, suffirait à renverser le cours des choses pour de bon. L’histoire recommencerait encore ; des vies seraient balayées, et il faudrait tout recommencer. Un cauchemar à vivre durant des années. Bien qu’il soit têtu, le jeune homme savait garder la tête sur les épaules. Il savait qu’il n’était là que pour garantir la bonne santé des pensionnaires à sang froid de l’île.
La dernière phrase du militaire eut pour effet de crisper Mackenzie qui serra les poings. Etait-ce simplement de bon conseil, ou voulait-il avoir pour but d’infantiliser plus jeune que lui ? Le scientifique n’aimait pas ça. Déjà que l’ambiance était électrique dans la pièce, si l’aîné se permettait d’en rajouter, l’échange finirait mal. Mackenzie décida de rester silencieux cette fois-ci ; il savait que ses mots seraient piquants et qu’il s’attirerait les foudres de ses supérieurs. Il écouta alors sa raison et se contenta de foudroyer du regard le militaire. L’animosité qui luisait dans ses yeux en disait long.
L’homme se préparait doucement à partir. Mackenzie n’attendait que son départ, il ne savait pas combien de temps ses nerfs tiendraient. S’il ne s’énervait pas rapidement, il perdait patience quand il était face à des débats comme celui-ci qu’il jugeait stériles.

— Tant que nous en sommes aux sujets qui fâchent : est-ce que vous avez une alternative au tranquillisant actuellement utilisé ? Avec le temps, nous ne serons surement plus réapprovisionnés. Vous y avez pensé ? Vous, les scientifiques.

Mais bon sang, que faisait le militaire ici même ? Il remettait en cause tous les faits et gestes de l’équipe. N’étaient-ils pas censés tous s’entraider dans cet environnement hostile ? Après tout, ils étaient tous logés à la même enseigne. Il faut dire que la conversation ne se prêtait pas aux jeux de confiance, mais tout de même, le doute que laissait planer le militaire par rapport à l’équipe scientifique laissait Mackenzie interrogateur. Avait-il déjà eu une mauvaise aventure avec l’un de ses confrères dans le passé ? Peut-être travaillait-il depuis un moment avec les dinosaures. Beaucoup de questions demeuraient sans réponses dans l’esprit du jeune homme.

- Oui, nous les scientifiques, y avons pensé. Nous planchons actuellement sur une solution qui pourra durer dans le temps, qui nous permettra de ne pas trop tirer sur les réserves. Il va sans dire que nous faisons au mieux pour obtenir quelque chose de fiable. Ce qui, je crois, est compliqué à concevoir pour vous.

Mackenzie attaquait de front. Sa curiosité le titillait néanmoins. Il y avait sans doute une raison derrière cette méfiance. Il voulait absolument justifier cette dernière. Et s'il pouvait la souligner au militaire, c'était encore mieux.

- Dites-moi, y a-t-il une raison particulière à toutes ces questions ?  Je ne pense pas avoir de conseils à vous donner dans votre domaine, ce serait plutôt… mal venu appuya-t-il d’un regard entendu, comme s’il faisait référence à leur échange où l’aîné avait remis en cause les connaissances du plus jeune. Mais l’efficacité de votre mission passe en premier par une certaine cohésion d’équipe. Pas en en divisant les différentes parties.